Au bout de ses doigts, un visage dont on distingue à peine les traits ; devenu objet, il est manipulé à travers une chorégraphie d’une sensualité timide et retenue. C’est ainsi que Delphine Bachelard fait de l’anonymat son intime. Mais dans la caresse et la palpabilité presque érotique, se joue surtout une curiosité liée aux limites de la forme photographique. Le plan-séquence qui refuse la coupe, le souci du cadre et des bords de l’objet filmé rendent cette exploration sensible. Décapité, séparé de son corps et présenté par bribes au spectateur, le visage a perdu toute singularité en répondant aux normes standardisées des procédures administratives. Collectionneuse de visages abandonnés ou perdus, Delphine Bachelard semble alors refuser que les limites de la photographie soient celles de l’identité. Et c’est dans la lenteur de ses gestes prudents que le flou devient net et se voile à nouveau.
Texte écrit par Juliette Hage, commissaire d'exposition
(Dé)tour, installation vidéo : projection vidéo sur cartons plume
6'35", 100x150 cm
2020